Lettre ouverte au ministre de l’Enseignement supérieur
Monsieur le ministre,
Il y a quelques jours, vous avez adressé une correspondance à monsieur le Recteur de l’Université de N’Gaoundéré. Dans celle-ci, vous prétendez que, dans l’exercice de mes fonctions administratives et dans le cadre de mes missions d’enseignement, je me livre à des activités contraires à la discipline et à la déontologie universitaires. Seule la décence m’interdit de reprendre ici les termes, l’orthographe et la grammaire que vous utilisez pour porter contre ma personne des accusations aussi graves. en substance, vous dénoncez le fait que je mène des activités politiques au sein du Campus universitaire et surtout, que je finance mes activités politiques, avec voyages aux Etats-Unis, grâce à de l’argent que je tire de la vente des épreuves et des notes d’examens aux étudiants de l’Université de N’Gaoundéré. Pour finir, vous donnez l’ordre au Recteur de l’Université de N’Gaoundéré de me traduire, sans délai, au Conseil de discipline, afin que je sois neutralisé politiquement et académiquement.
Monsieur le ministre, je vous comprends, et je pense que tous les Camerounais peuvent vous comprendre, même si aucun citoyen, ayant un bon sens civique ne peut approuver votre démarche. Mon existence et surtout mes activités politiques gênent le militant du RDPC que vous êtes. En effet, le parti Univers que je dirige a fait, en février 2016, un contre-appel à candidature, demandant au Président Paul Biya de ne pas se présenter à l’élection présidentielle de 2018, avec le slogan : «2018 : Tout, sauf Paul Biya». Le RDPC a sa position sur cette question relative à l’alternance politique au sommet de l’état, qui est d’un intérêt national ; n’est-il pas normal qu’un autre parti politique ait la sienne ? Pour moi, la réponse à cette question ne peut être qu’affirmative.
La correspondance du parti Univers n’a jamais été adressée à monsieur Jacques Fame Ndongo, ministre de l’enseignement supérieur. Les militants du parti Univers ont parlé au Président Paul Biya, le Chef de l’état du Cameroun. L’illustre destinataire de la correspondance l’a sûrement reçue : il ne s’est pas encore prononcé que vous vous empressez de régler des comptes à Nkou Mvondo, qui n’est que porteur d’un message des militants de son parti. Je me demande bien pourquoi la «créature» que vous affirmez vous –même être, prend le devant de la scène, alors que le «créateur» réfléchit encore à la réponse qu’il devra donner aux «appels à candidature» et aux «contre-appels» qui lui ont été adressés.
Dans l’un de ses discours, le Président Paul Biya demandait au Camerounais de débattre, et non de combattre. Visiblement, vous vous opposez à la pensée politique de votre leader : au lieu de débattre, vous choisissez de combattre contre ceux qui ne partagent pas vos opinions politiques. Plus encore, au lieu d’utiliser des armes et des arguments politiques, vous vous réfugiez derrière vos fonctions étatiques de ministre, pour chercher à me nuire en m’assenant de surcroit, et lâchement, des coups au-dessous de la ceinture. Vous exercez de la pression sur le Recteur de l’Université de N’Gaoundéré, en me dénonçant mensongèrement auprès de lui.
Faut-il vous rappelez que de tels agissements sont constitutifs des infractions d’abus de fonction et de dénonciation calomnieuse, punies d’un maximum de 10 ans d’emprisonnement par notre code pénal. Je me réserve d’ailleurs le droit de porter cette affaire devant le juge pénal.
Ce sera sans doute l’occasion de débattre publiquement, à partir d’un cas concret, sur la prétendue immunité des ministres en fonction au Cameroun. Monsieur le ministre, on ne peut prêter à autrui que ses propres agissements. Vous avez sans doute une énorme fortune matérielle, constituée de biens mobiliers et immobiliers. Je doute fort que vous puissiez déclarer tous ces biens ; je suis convaincu que la panique s’emparera de vous, s’il vous était demandé de les justifier.
Vous êtes convaincus que tous les camerounais sont comme vous. Vous pensez alors que si le Professeur Nkou Mvondo a des biens, s’il finance des activités politiques, c’est qu’il vend des épreuves et des notes d’examens à ses étudiants. Vous vous trompez, monsieur le ministre ! Sans être un ange, je ne mange pas de ce pain-là ! Sachez en même temps qu’il existe encore au Cameroun des fonctionnaires qui peuvent servir leur pays, avec un détachement certain vis-à-vis des choses matérielles.
Je peux me vanter de faire partie de cette espèce qui, avec le régime RDPC, est en voie de disparition. Mon dernier voyage aux Etats-Unis a coûté près de dix millions de francs. Il n’a été financé, ni par les étudiants de l’Université de N’Gaoundéré, ni par le contribuable camerounais. Ceux qui m’ont invité ont pris en charge tous les frais de mon séjour à l’étranger.
Vous prétendez que je fais de la propagande politique à l’Université. Je vous mets au défi de le prouver. En attendant, souffrez que je vous parle des faits qui entrent en contradiction avec votre pensée : le Premier Congrès du parti Univers s’est tenu le 20 février 2016, à plus de 25 kilomètres du Campus de l’Université de N’Gaoundéré ; la caravane «Tout, sauf Paul Biya» a été lancée à N’Gaoundéré 3, dans la localité de Malang, à plusieurs kilomètres du Campus de Dang.
La caravane en question, qui empruntait la Route nationale n° 1, n’est jamais entrée dans le Campus universitaire ; madame le sous-préfet de N’Gaoundéré 3, qui a vu les militants du parti Univers passer, peut en témoigner. J’ai été molesté et torturé par un sous-préfet et ses policiers le 29 mars 2016 : c’était à Yaoundé, la Capitale du Cameroun, située à 800 kilomètres du Campus de l’Université où j’exerce mes fonctions ; je participe souvent à des émissions radiodiffusées et télédiffusées, à partir des studios installés à Yaoundé et Douala, c’est-à-dire très loin de l’Université de N’Gaoundéré.
Lorsque je suis dans les amphithéâtres, devant les étudiants, je ne fais que mes cours de droit privé, tous mes cours et rien que mes cours. Les fiches de suivi des enseignements, signées des délégués des étudiants et déposées auprès des Chefs de Département, peuvent en attester. Monsieur le ministre, des activités politiques sont pourtant menées au sein du Campus universitaire de N’Gaoundéré, en violation des franchises universitaires et du caractère apolitique de l’Université. Vous en êtes bien au courant et vous n’en dites rien, dès lors que ces activités vont dans le sens du soutien au régime politique que vous défendez. Ainsi, à quelques mois des élections présidentielles de 2011, une réunion à caractère exclusivement politique s’est tenue dans les locaux de l’Université de N’Gaoundéré. Un seul point était inscrit à l’ordre du jour de cette réunion : «Appel à candidature au Président Paul Biya».
Tous les participants à cette rencontre ont signé cet appel à candidature, de gré ou sous l’emprise de menaces à peine voilées. Un militant du RDPC, enseignant à l’Université, s’est par la suite chargé de faire le tour des enseignants absents à la réunion, dans leurs bureaux, dans les bibliothèques, dans les laboratoires ou dans les salles de cours, pour les amener à signer l’appel à candidature. Assez récemment, à quelques jours des renouvellements des organes dirigeants dans les section et sous-sections RDPC de N’Gaoundéré 3, deux enseignants de la Faculté des sciences de l’Université de N’Gaoundéré, ont été commis pour distribuer les cartes du RDPC à tout le personnel d’appui de l’Université. L’opération politique, qui se déroulait dans les bureaux administratifs de l’Université a duré plus de deux semaines.
Le 27 septembre dernier, les enseignants de la faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université de N’Gaoundéré ont été réunis en la salle d’actes de leur établissement ; Cette rencontre, présidée par les plus hauts responsables de l’Université de N’Gaoundéré, avait pour seul point à l’ordre du jour : le message du ministre de l’enseignement supérieur, relatifs aux attentes politiques du Président Pal Biya, suite à sa décision de distribuer les ordinateurs aux étudiants. Monsieur le ministre, avant d’accuser le Professeur Nkou Mvondo de mener des activités politiques à l’Université, je vous prie de commencer par dépolitiser l’Université camerounaise, ou mieux, de la «déRDPCiser», la «déPAULBIYAiser» et la «déCHANTALBIYAiser».
Pour ma part, je suis et serai toujours respectueux des institutions, des lois et des règlements de la République, des franchises et de l’éthique universitaires. souvenez-vous que vous m’avez-vous-même nommé Chef de la Cellule spéciale de contrôle, et Rapporteur de l’antenne anti-corruption, fonctions que j’exerce depuis onze ans à l’Université de N’Gaoundéré, sans que mes supérieurs hiérarchiques directs n’aient des choses à me reprocher ; au contraire, je reçois régulièrement des lettres de félicitations de la part du Recteur de l’Université et du Doyen de mon établissement d’attache ; ces autorités universitaires, qui me connaissent mieux que vous, attestent ainsi, par leurs multiples lettres de félicitations, que je suis un bon serviteur de l’état et de l’Université.
En vous adressant cette correspondance, je suis conscient du risque que je prends. Mais que représente ma modeste personne ou ma carrière face aux grands enjeux et défis de l’heure au Cameroun. J’ai choisi la formule d’une lettre ouverte afin que l’opinion publique soit édifiée sur les vices de la gouvernance qui est la vôtre, et partant, celle du régime politique que vous défendez. J’agis et j’agirai toujours pour que Vive l’Université, Vive la République, et pour que Vive le Cameroun.
© Source : Mutations